Attention, livre désirable ! « Le livre des nombres » de Florina Ilis

Le 8 avril sort en librairie Le livre des nombres de Florina Ilis, l’une des grandes plumes de la littérature roumaine contemporaine, traduite du roumain par Marily Le Nir pour les éditions des Syrtes.

Il y a au moins trois raisons qui m’autorisent à désirer ce livre. (Vous savez déjà, par son étymologie latine, « désir » renvoie à un éblouissement « sidéral », à notre nostalgie insatiable des étoiles 😊 )

D’abord, j’ai lu tous les autres titres que Florina Ilis a publiés en traduction française et je connais sa puissance narrative, son art de manier les perspectives et les époques et de forger des personnages qui s’imposent, qui nous interrogent, qui nous bouleversent.

En 2010, La croisade des enfants avait reçu le Prix Courrier International du meilleur roman étranger, et pour cause. L’écrivaine séduit par une écriture particulièrement rythmée, qui s’approprie le galop du train confisqué par des enfants en partance pour une colonie de vacances, en parfaits maîtres du monde des adultes auxquels ils empruntent langage, façon d’agir, cruauté, jusqu’à faire froid dans le dos…

En 2015, c’est la publication du roman Les Vies parallèles (du poète emblématique roumain) qui éblouit par la maîtrise cubiste de tant de perspectives afin de déconstruire un mythe national et de décortiquer une légende littéraire.  Eminescu – l’amant, le lunatique, le journaliste, le toqué, le philosophe, le traqué, le poète, le contesté, le réactionnaire, le divinisé – monte sur la scène de deux siècles et nous interroge sur notre besoin légitime et notre obsession insensée de mythifier et d’aduler. (lisez plus sur ce roman ici)

Deuxième argument incontestable – la plume de la traductrice.  Tous les romans de Florina Ilis sont traduits par Marily Le Nir (photo à gauche), grande dame des lettres roumaines en français. Depuis quelques dizaines d’années, sa marque de fabrique au croisement des deux langues est fondée sur la fusion alchimique entre l’élégance et la justesse, la fidélité et la souplesse stylistiques. Et on parle d’auteurs comme Norman Manea, Eugen Uricaru ou encore, récemment, Catalin Mihuleac.

Mon troisième argument s’appuie sur la passion et le flair avec lesquels l’éditrice Olympia Verger (photo à droite) poursuit son édifice entre deux langues, deux imaginaires, deux cultures : au fil des années, elle a su bâtir toute une collection de littérature roumaine, exploit sans égal dans le paysage éditorial francophone. C’est ainsi que les éditions des Syrtes peuvent s’enorgueillir de compter dans leur catalogue des classiques de la modernité roumaine, à l’instar de Camil Petrescu (Dernière nuit d’amour, premier jour de guerre, traduit par Laure Hinckel), ou des voix d’aujourd’hui, au talent foudroyant, comme Tatiana Țîbuleac (L’été où ma mère a eu les yeux verts, 2018, et Le Jardin de verre, 2020).

Je ne terminerai pas mon billet sans dévoiler la promesse que les premières pages du Livre des nombres de Florina Ilis nous font. J’aime la respiration large des romanciers, j’aime leur obstination d’échafauder des cathédrales de papier solides, imposantes, insurpassables. Portée par un souffle de monumentalité – Le Livre des nombres a plus de 500 pages -, cette saga transylvaine s’ouvre sur des scènes d’une beauté ancestrale époustouflante.

Soudain, un paysan veut tuer ses bœufs. „Brillants comme le soleil. Les pattes blanches comme neiges…” On est saisi, certes, par le dramatisme de ce geste hésitant, mais surtout par sa pureté douloureuse. On retient notre souffle, comme devant un instant de magie ou d’insoutenable menace.

Le livre des nombres de Florina Ilis est, décidément, désirable.

Affaire à suivre, chronique à venir…

Rédigé par Cristina Hermeziu le 16 mars 2021.

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